mardi 5 octobre 2010

Lolita, feu de ses reins

Sorti avec curiosité de son petit étui de velours rose en juillet dernier, lourd de ses quelque 520 pages, Lolita m'a subtilement envoûtée jusqu'à ce que dimanche soir, étourdie, j'en achève la dernière ligne. Après avoir succombé au délicieux — mais troublant — long-métrage d'Adrian Lyne, il y a quelques années, voilà que Vladimir Nabokov, cet écrivain russe au génie fabuleux, vient de me laisser pantoise après un récit fulgurant.

Car Lolita est un chef-d'oeuvre. Écrit à la première personne, le roman relate l'aventure qu'a eue un homme mûr (la quarantaine) avec une «nymphette» de 11 ans, Lolita, cette enfant «à la peau dorée» et aux yeux clairs. C'est à son jury que s'adresse Humbert — car...

6 commentaires:

Anonyme a dit…

"Les étoiles n'ont leur vrai reflet qu'à travers les larmes." V. N.

Pas mal, ta critique Geneviève. Je suis plutôt en accord quoique sa naïveté témoigne d'une lectrice asservie par la verbe du poète russe. Il reste que ce roman, à mon sens, tend à une profondeur et une lucidité qui vont plus loin qu'une relation passionnelle tordue. Humbert incarne le français qui est fasciné, obsédé, vampirisé par l'Amérique tout entière incarnée dans une Lolita jeune et soyeuse.

Si le sens et la portée de la Lolita de Nabokov perdurent, c'est qu'ils sont encrés par cette relation tordue voire pathologique du mythe, de la fascination dont est l'objet l'Amérique et les valeurs qu'elle véhicule. Ces étoiles, ces folies des grandeurs prennent leur vraie valeur à travers les larmes du lyrisme de Nabokov.

Il s'agit, pour sur, d'un roman novateur, pertinent, mais surtout intemporel par sa quête de jeunesse et de beauté.

***

Dans un autre ordre d'idées, je te conseille le dernier Auster qui exploite une thématique amorale également, sans toute fois se dissocier du Auster conventionnel (mise en abîme). Ne va pas croire que j'oserais le comparer à Nabokov, mais il mérite d'être lu. En anglais seulement par contre puisqu'un chapitre entier à la deuxième personne peut passer en anglais, mais que la traduction s'y avère infecte, malgré la fidèle traductrice de Paul et le fait qu'il parle parfaitement français.

En passant, ton blogue parait très bien!

Sam.

Geneviève a dit…

D'abord, merci Sam d'avoir écrit un commentaire si pertinent; c'est apprécié.

Concernant la «naïveté» de ma critique, je te l'accorde, mon appréciation du «verbe du poète russe», comme tu l'appelles, y transparaît; mais si tu as bien lu, tu auras remarqué que je souligne justement que cette esthétique particulière qu'a son récit fait en sorte qu'on se laisse emporter dans son histoire, sans nécessairement remettre en question ses actes — qui sont pourtant graves. Il est manifeste que Humbert tente, avec ses mots, d'amadouer son jury (le principal destinataire du récit), et ce, même s'il met beaucoup de sincérité dans ses écrits. Cela dit, Humbert est-il lucide ou de plus en plus absorbé par sa folie? La question se pose...

La fascination du narrateur pour l'Amérique mythique (on le remarque à travers ses nombreuses comparaisons avec son Europe natale et ses analyses pointues de la société américaine), son érudition manifeste d'homme brillant s'intégrant pourtant mal à la société, de même que son désir de racheter sa cause par une prose léchée et des arguments à ses yeux valables sont autant de pistes d'analyse prouvant la puissance du roman.

Je suis d'accord avec ce que tu avances, quoique je n'irais pas jusqu'à dire que le mythe américain est ce qui ressort principalement de l'oeuvre de Nabokov. Certes Lolita incarne à merveille une jeune «pin-up» girl américaine (ses mimiques, son goût pour le glamour, son tempérament langoureux le démontrent bien), mais le roman en lui-même est à mes yeux davantage un livre sur la détresse d'un homme ayant consacré sa vie à la «quête de jeunesse et de beauté», pour reprendre tes mots. Et si Humbert avait été américain, et Lolita française? Le roman serait sans doute tout aussi fort, mais différent...

Cela étant dit, merci pour la suggestion du dernier Auster, que je lirai fort probablement dans sa version originale.

Au plaisir de lire d'autres contributions de ta part!

Auteure obligatoirement anonyme a dit…

Permettez-moi de vous dire que vos divagations de salon son proprement innaceptables.
Les viols par un adulte et surtout quand ils durent pendant des années sont une destruction de la personnalité. Heureusement que Geneviève à émis des doutes sur cette beauté certes incontournable autant dans le livre que dans le film, mais a-t-on le droit de foutre en l'air la vie d'une enfant pour les désirs d'un esthète ? Nous ne sommes plus dans la Grèce Antique.
Et quand a mettre Paul Auster là au milieu c'est amoral : il n'a fait ce bouquin que pour le fric, le sujet est racoleur et vous tombez dans le panneau. Dommage !
Ayez l'obligeance de lire quelque chose sur les conséquences de l'inceste.

Geneviève a dit…

Votre indignation est tout à fait légitime, chère Auteure anonyme. Mais étant donné qu’il s’agit d’une critique littéraire, et non d’une prise de position sur le thème du livre, je n’irais pas jusqu’à dire que ma critique est une «divagation de salon». Je suis tout à fait d’accord avec vous, l’inceste ainsi étalé sur plusieurs années est destructeur pour un enfant. En tant qu’être humain, on ne peut qu’être scandalisé par les actes commis par Humbert sur Lolita, par son avarice, sa totale inconscience qu’il brise à jamais la vie d’une enfant. On voit d’ailleurs à plusieurs endroits dans le roman à quel point Lolita souffre de cet asservissement à son «père», qu’elle ne l’a jamais aimé (même fraternellement) et qu’à 17 ans, elle commence déjà sa vie avec de profondes cicatrices.

Mais je tiens tout de même à faire la distinction entre la qualité esthétique d’une œuvre (sa forme) et ce qu’elle porte comme message (son fond). En faisant une critique positive du roman Lolita, je n’encourage par là aucunement l’inceste. D’ailleurs, je crois avoir bien expliqué, dans ma critique et mon commentaire, à quel point l’absurde tolérance que l’on accorde aux gestes scandaleux du narrateur est justement provoquée par l’impressionnant verbe de Nabokov. Ce livre est une infâmie du début à la fin, certes! Comment pourrait-on encourager qu’un homme profite ainsi d’une enfant qui devient pourtant sa fille, et qu’il élabore ensuite une fuite et un meurtre en l’honneur de ses envies de jeunesse? Lorsque j’ai fait regarder le film d’Adrian Lyne à quelques amis, il y a un an, ils ont été passablement troublés par le thème (avec raison), alors que j’en faisais davantage une critique esthétique (en ayant évidemment aussi conscience de l’immoralité du thème). Tout dépend donc du regard avec lequel on évalue un roman et/ou un film.

Merci de votre contribution.

Cousin a dit…

Wow, ce livre provoque des choquements! Étant donné que j'ai tellement écouté ce film et aussi celui de Stanley Kubrick, il me parait essentiel que je lise enfin ce livre, surtout quand ma soeur le traite de chef d'oeuvre.

Je me lance moi aussi, je t'en redonne des nouvelles quand ce sera fait.

Marathon a dit…

Bonjour,
Je termine en ce moment la lecture de Lolita en Anglais. Je trouve le texte extraordinaire et j'en oublie même le fonds de l'histoire. Il y a aussi une dimension comique dans ce roman à laquelle vous ne faites pas allusion (peut-être est-ce un effet de la traduction...)
J'ai également lu le dernier Paul Auster. J'aime tout particulièrement cet auteur mais "Invisible", pour ne pas le nommer, m'a déçue: recherche à tout prix d'originalité dans le point de vue narratif, histoire qui se finit en queue de poisson...